Pendant la première moitié du XXe siècle, de nombreux romans « champêtres » ont été publiés, et les Ensablés n’ont pas manqué d’en chroniquer. Parmi ceux qui nous ont particulièrement marqués, rappelons l’admirable Campagne (prix Femina 1937) de Raymonde Vincent que les éditions Le passeur viennent de rééditer et La vie d’un simple, d’Émile Guillaumin. Il me faut en ajouter un autre, récemment paru chez La Thébaïde d’une romancière complètement oubliée, Marcelle Capy. Par Hervé BEL
Le 02/07/2023 à 12:20 par Les ensablés
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02/07/2023 à 12:20
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Des hommes passèrent… (prix Sévérine 1930, qui ne fut attribué que deux fois) est autant un roman qu’une chronique. Ce n’est pas un énième témoignage de la vie à la campagne. Le propos est plus original. En quelque deux cents pages, Marcelle Capy (1891-1962) a décrit la vie d’un petit village pendant la Première Guerre mondiale, à partir d’août 14, en mettant en scène de nombreux personnages, les plus importants étant des femmes, puisque tous les hommes valides sont partis.
Il y a Madeline qui a réussi son certificat d’études après avoir été « presque toujours la première dans sa division. Son goût pour la lecture lui avait laissé un penchant un peu trop vif pour la lecture ». Elle est la fille de Gary, paysan relativement aisé, parce qu’il est sans dettes, ce que n’est pas le père de Sébastien avec qui elle doit se marier après le 15 août.
Mais voilà la guerre est déclarée. Ce sera pour trois semaines dit-on au village. Alors l’humeur reste joyeuse, même lorsque le train de soldats s’en va : « Parce que la Madeline aimait Sébastien, elle lui souriait de toutes ses dents (…) Le train disparut à l’horizon (…) Les femmes se regardèrent. Quelque chose leur serrait la gorge. Elles avaient applaudi à la mort — par amour. »
D’abord on prend son mal en patience. Le village est uni : oubliées les vieilles rancunes ! Il y a les premiers morts à la bataille de la Marne, mais il faut tenir. À sa manière, on veut aider les fils, les maris, les pères qui sont là-haut, dans le nord. Alors les femmes et les vieux abattent un travail qui les usera en quatre années.
La belle Angeline a perdu son frère. Sa mère en est devenue folle, tandis que le père est aux armées. Elle a dix-neuf ans et doit s’occuper de la terre, de la maison et du bétail. Bientôt sa beauté ne sera plus qu’un souvenir. On croise Bertrande. « La plus à plaindre était la plus contente (…) Personne n’osait lui dire la vérité. » Son fils a été blessé, il va rentrer, elle est heureuse, mais elle ignore qu’il est défiguré et aveugle.
Avec le temps, la joie s’en va. « Les vendanges n’eurent pas de rires. Le vin nouveau parfuma les caves. La musique des robinets n’éveilla aucune chanson. »
L’argent commence à manquer, et les femmes sont épuisées, et les vieux meurent. Et quand leurs hommes reviennent en permission, ils ne font pas grand-chose, ils ont changé. Même Sébastien, le grand amour de Madeline, est devenu différent, indifférent. Pour le retenir, Madeline lui donne de l’argent, jusqu’à compromettre la situation de la ferme. Mais rien n’y fera, d’autant qu’avec le travail les traits de Madeline se sont durcis.
La guerre n’est pas forcément mauvaise pour les femmes malheureuses. Marie a perdu son mari qui « n’était pas tendre et la menait tambour battant (…) Louis n’était qu’un bouc. Il voulait toujours la chose… Elle ne pouvait plus le supporter (…) La guerre avait tué Louis. La Marie ne pouvait s’empêcher de penser que la guerre l’avait délivrée ».
Les événements, les états d’âme, sont racontés en peu des phrases, toutes percutantes, elliptiques, parfois poétiques comme des poèmes en prose.
Le temps passe. La misère s’installe, et le malheur avec. « Qu’on soit en guerre ou en paix, en deuil ou en joie, la bouche a faim. Et parce que la bouche a faim, le travail commande. »
Les femmes sont courageuses ; elles ont appris de nouveaux métiers, il le faut bien, mais l’année 1918 est trop dure. Le gouvernement français leur envoie alors des soldats allemands prisonniers pour les aider.
La signification du titre du roman s’éclaire : Des hommes passèrent… , ce sont eux, les Allemands ! Imagine-t-on le choc que la venue de ces étrangers, ennemis de surcroît, a pu causer à ces communautés de femmes qui n’étaient jamais allées au-delà de leur canton ? Marcelle Capy le décrit, et surtout montre comment peu à peu ces Allemands, des hommes comme les autres finalement, sont appréciés par le village. Les mères, en les voyant, pensent à leurs fils. Avec le retour des hommes, les femmes font à nouveau attention à leurs toilettes… Non, il n’y aura pas d’histoire d’amour, mais seulement un respect mutuel et touchant, de la part de ces gens qui se rencontraient pour la première fois.
C’est l’occasion pour les Françaises de découvrir des mondes inconnus. La guerre de 14, on le sent à la lecture de cette histoire, a cassé un monde qui, finalement, en 1913, n’était pas si éloigné de la paysannerie du début du dix-neuvième siècle.
Le roman s’achève avec Madeline qui l’avait commencé. Son père est mort, Sébastien un lointain souvenir. Elle a beaucoup travaillé, appris, vieilli. Devant le corps de son père, elle dit « Pauvre père, tu me laisses sans m’avoir appris ce qu’il aurait fallu savoir… mais tu ne le savais pas toi-même. » Une façon de dire, si on y songe, que Madeline, elle, sait. Une nouvelle ère s’ouvre pour elle.
Très beau roman donc, écrit par cette Marcelle Capy, féministe et proche de Romain Rolland, et qui, comme certains pacifistes tombèrent sans le comprendre dans la collaboration. On lui reprocha d’avoir écrit dans les périodiques L’effort (quotidien socialiste rallié à Vichy) et Germinal (également socialiste et collaborationniste), et elle sera radiée de la LICRA à la fin de la guerre. Beaucoup de gens de bonne foi ont été ainsi traités après la guerre (et je pense à Giono, Thérive…). Il faudra que je me renseigne sur le cas de Marcelle Capy.
On se référera pour en savoir davantage à la préface éclairante d’Hélène Baty Delalande, maître de conférence en littérature française. Je lis qu’elle a notamment participé à l’édition critique des œuvres de Drieu dans la Pléiade, et écrit une Histoire littéraire du XXe siècle (chez Armand Colin). Merci à elle de nous avoir fait redécouvrir Marcelle Capy dont, comme nous l’indique La Thébaïde, il n’a pas été possible de retrouver des ayants droit. Oubliée, donc, totalement oubliée…
Paru le 17/03/2023
208 pages
La Thébaïde
20,00 €
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Dans l’univers de Valiant, que propose l’éditeur Bliss, Gilad occupe une place particulière : celle de soldat immortel – aka Le Guerrier Éternel – présent depuis la nuit des temps (et peut-être même dès l’aurore de la nuit des temps…). Il protège l’Humanité, certes, mais avant tout le géomancien. Dans cet épisode, c’est plutôt LA géomancienne… Tama, que l’Impératrix Virago a décidé de dévorer. Parce qu’elle est comme ça, Virago, elle bâfre de l’énergie vitale…
10/05/2024, 17:47
BONNES FEUILLES - Le tour du monde des contes c'est des incroyables versions de quatre grands contes racontés à travers le monde. Avec 18 textes on peut (re)découvrir Les trois petits cochons, Les musiciens de Brême, Le lièvre et la tortue et Tom Pouce.
10/05/2024, 08:00
BONNES FEUILLES - La sensibilité, lorsqu'elle est profonde, peut devenir un défi quotidien, surtout pour les individus exigeants et hypersensibles qui perçoivent les émotions avec une intensité décuplée. Ces personnes, souvent qualifiées de perfectionnistes, vivent chaque incident de manière exacerbée, ce qui peut les rendre continuellement bouleversés et passer rapidement de l'euphorie à la mélancolie.
10/05/2024, 07:45
BONNES FEUILLES - « Je n’ai jamais côtoyé de célébrités. Aujourd’hui, je peux dire que je n’en connais aucune, à la différence de ma mère et surtout de mon père qui m’a laissé entendre qu’il avait eu une relation avec la chanteuse yé-yé Sheila, quand il était étudiant à l’institut Fournier. »
10/05/2024, 07:30
Dans de nombreux ouvrages et films, on retrouve, à la racine de l’intrigue, un improbable gain au loto, plus ou moins astronomique. A croire que la possibilité de faire fortune en un claquement de doigts irrigue l’intérêt des lecteurs ou des spectateurs.
09/05/2024, 17:21
BONNES FEUILLES – Longtemps considérées avec méfiance, voire avec une certaine crainte, les émotions jouissent désormais d’une réhabilitation notable. Psychologie des émotions, c’est le nouvel ouvrage co-écrit par les professionnels du milieu pour mieux les comprendre, et ainsi les appréhender.
09/05/2024, 08:00
BONNES FEUILLES – Renversant la perspective occidentale habituelle sur l'Orient, Paris en lettres arabes étudie les échanges entre les auteurs arabes et la France. Coline Houssais place le curseur sur Paris, et se concentre sur les sphères intellectuelles de la capitale.
09/05/2024, 07:30
Originellement sorti en numérique avant que Dark Horse ne l’imprime, Canary est signé Scott Snyder, scénariste fou, sur des dessins de Dan Panosian. Mêlant horreur moderne, faits historiques et légendes de l’Ouest, ils signent un thriller terrifiant (traduction : Nick Meylaender). Du grand western, où les créatures des profondeurs collent des frissons…
08/05/2024, 19:58
BONNES FEUILLES – Il y a sept siècles, Maître Eckhart nous quittait, laissant derrière lui une œuvre mystique qui explore des questions essentielles. Les éditions du Seuil proposent aujourd'hui une nouvelle traduction des sermons, signée Éric Mangin.
08/05/2024, 08:00
En janvier dernier, la collection de la Pléiade rééditait les deux volumes - de 1993 et 1994 -, de l’oeuvre complète de Pierre de Ronsard, le prince… de la Pléiade. La bande de poètes du XVIe siècle cette fois. Plus proches des meilleurs rappeurs actuels que nos poètes d’aujourd’hui, faut bien s’en rendre compte. Leur projet : sublimer la langue méprisée, la réinventer, lui donner de la chair, lui injecter du sang, la faire battre comme un coeur...
07/05/2024, 18:33
BONNES FEUILLES – Cinq adolescentes se retrouvent échouées sur une île déserte. Oscillant entre les impératifs de survie et les interrogations identitaires, ces jeunes héroïnes traversent la frontière de l’enfance pour atteindre l’âge adulte, sous la plume habile de Kim Fu. Traduit de l’anglais par Annie Goulet, ce roman d’aventures tisse une trame narrative captivante.
07/05/2024, 08:00
BONNES FEUILLES – L'effondrement tragique d'une famille indienne commence avec la mise en ligne d'une vidéo intime dans laquelle le fils aîné apparaît, à son insu, dans le rôle principal. Jeune couple s'éclate en plein air marque le début littéraire d'Aravind Jayan, ouvrage traduit de l'anglais (Inde) par Benoîte Dauvergne.
07/05/2024, 07:30
À l’écart des hommes qui ne cessent de s’entretuer, une espèce animale s’est développée depuis des siècles pour devenir bien supérieure à celle des humains. Osamu Tezuka signe avec ZéroMan une huitième publication chez les éditions FLBLB.
06/05/2024, 16:54
Avec Baguenaudes, Marion Jdanoff nous convie à une réflexion plastique et poétique sur la question de la représentation de l’érotisme. Elle développe un dictionnaire formel construit autour de multiples recherches sur le rapport au corps.
06/05/2024, 16:23
BONNES FEUILLES - Layla, syrienne chrétienne, libre et indépendante, résiste à la guerre depuis le début. Cependant, quand la révolution islamiste ravage Alep en 2011 elle doit quitter sa ville pour se réfugier à Damas tout en voyant sa terre natale réduite en fumée.
06/05/2024, 08:30
BONNES FEUILLES - La Chartreuse de Naples commence lorsque le marquis Alessandro de Paladini arrive dans une Naples florissante, alors la deuxième ville d’Europe, avec dans ses bagages, le tableau Le Mariage de la Vierge : une toile de l’atelier du Tintoret, peintre à Venise vers 1550. C'est ce tableau, doté de pouvoirs exceptionnels, qui en est le narrateur de cette histoire.
06/05/2024, 07:30
BONNES FEUILLES - « Oui, il urge de te lire et de te connaître. Il urge de citer ton travail et de le replacer dans une généalogie des féminismes, dans une histoire des féminismes noirs où il a sa place entre les théorisations du Combahee River Collective, bell hooks, la matrice des oppressions de Patricia Hills Collins et l’intersectionnalité tel que vulgarisé par Kimberlé Crenshaw. »
05/05/2024, 08:30
BONNES FEUILLES - Christine van Geen, philosophe, explore et déconstruit la figure controversée de l'allumeuse dans son essai destiné au grand public, à la fois libérateur et exigeant. L'autrice examine les mythes, les contes, le cinéma, et même les faits divers, anciens et récents, pour remettre en question et réhabiliter la figure de la séductrice, lui redonnant ses lettres de noblesse.
05/05/2024, 07:30
BONNES FEUILLES - Imaginez transformer les activités quotidiennes comme se réveiller, marcher, ou prendre une douche, ainsi que les interactions personnelles telles que consoler un ami, en moments de pleine conscience envers soi-même et les autres.
05/05/2024, 06:30
Quand on merde, dans certains métiers, il importe de se faire gentiment oublier. Un plombier qui provoque un dégât des eaux, par exemple, deviendra surveillant de piscine. Mais un homme de main tuant le type qui n’aurait pas dû mourir… Lucien n’a plus le choix, pour échapper à son patron : il troque ses baskets contre une soutane, et une nouvelle vie…
04/05/2024, 22:41
Et soudainement, tout fut chamboulé : Melissa da Costa, après cinq semaines dans le classement des 200 meilleures ventes, finit par prendre la première place. 13.268 exemplaires vendus des Femmes du bout du monde Prix Maison de la Presse 2023. Une réjouissante nouvelle pour l'éditeur Livre de Poche, et qui ne s’arrête pas là…
04/05/2024, 14:29
BONNES FEUILLES - “Il n’est pas besoin d’appartenir à aucune religion organisée pour sentir le choc spirituel de cette procession d’antiques pensées ; les unes sont flétries, surannées, les autres vides de toute espérance, comme les tiges de plantes mortes, mais aucune ne manque absolument d’un certain pathétique planétaire.
04/05/2024, 07:30
BONNES FEUILLES - ‘‘Le point de départ de toutes les théories mystiques du langage, par conséquent aussi de celle des kabbalistes, est la conviction que le langage, le médium dans lequel s’accomplit la vie spirituelle de l’homme, possède une face intérieure, un aspect qui ne se laisse pas réduire aux rapports de communication entre les êtres.
04/05/2024, 06:30
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